Hommage à Danie Blic
Artiste – Peintre
1947 - 2004
à propos
Isabelle Ferré - de l'Association "Ombres, portées et perspectives"
Exposer un artiste procède d’une subtile alchimie. Comment capter et donner à voir les contours de l’être en création ? Comment permettre au visiteur de rencontrer, à travers ses œuvres, non seulement une personne dans son voyage intérieur mais l’essence même de son mouvement vital ?
Essence et origine. Visiter les tableaux de Danie Blic serait comme courir à perdre haleine d’un paysage à l’autre, d’une silhouette à un portrait avéré, sur la ligne de fuite d’un trait d’encre de chine.
Millefeuille à la fois multiple et porteur d’une unicité troublante.
L’être apparait là, l’artiste dans sa trajectoire, qui germina pour elle dans le terreau des métiers d’art et de l’architecture. Construire avant de déconstruire, assembler avant de déployer.
Car c’est bien à un déploiement que l’on assiste à la vue des dizaines de toiles se succédant fiévreusement sur sa table d’architecte entre 1995 et 2005.
Est-ce le travail de coloriste et la joute engagée avec la matière, est-ce la manière d’envisager un cadrage, de suggérer un point de vue ? Chaque tableau se suffit à lui-même tout en s’articulant aux autres. Les observer côte à côte rassemblés dans un espace commun donne la mesure du travail effectué en quelques années. Qu’importe peut-être la chronologie de ce trajet singulier, puisqu’une filiation certaine semble lier l’ensemble de la production tendant jusqu’à l’abstraction.
Jaillissement qui désarçonne, tant l’œuvre est diverse, foisonnante et Une. Des autoportraits aux paysages jusqu’à la colorimétrie puissante de certaines toiles, il semble qu’une quête se déroule et interroge, ne laissant pas aux pinceaux le temps de suspendre le geste.
Un langage jaillit-il là, qui s’émancipe de la loi architecturale dont est issue l’artiste, tout en conservant la dimension du cadre contenant et des équilibres spatiaux? Une certaine manière de traiter la couleur, parfois étirée et floutée, parfois surgissante ou sagement pastel, prétexte à lumière, toujours multiple.
Peu de monochromes dans l’œuvre de Danie Blic, mais une recherche du trait jusqu’à ces silhouettes qui, dans l’épure, se suffisent à elle-même. Langage et trace. Il ya là comme de la migration, sensation d’un voyage qui dépose une empreinte retrouvée plus tard ailleurs, au détour d’une nature morte ou d’un paysage serein. Cette « femme entière en quête d’absolu allant au bout de ses choix », comme l’exprime son époux Louis Blic, apparait bien au travers de ces toiles qui, exposées aux regards ou conservées en mémoire, laisseront une empreinte, une sensation.
Exposer est une mise en perspective du chemin parcouru par l’artiste, traversé de fulgurances, de temps intimement forts. Une expérience de son Vivant.
Avant le temps de l’accrochage et l’ouverture des portes au public, il se sera agi de revisiter, re-garder, trouver les liens, les articulations subtiles sources de dialogue d’un tableau à l’autre.
Rencontrer la dimension de l’épreuve aux sens artistique et philosophique du terme, épreuve de vie qui fonde peut-être la trame invisible de cette œuvre plurielle.
Créer est une confrontation au passage et à la transformation, l’accès à ce que François Cheng nomme le vide médian, lieu de l’échange et du souffle, secret de la rencontre féconde des opposés. Opposés ou plutôt multiples de soi, des mots auxquels Danie Blic donne aujourd’hui toute leur dimension.